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Trafic de drogue: la mise en cause d’un ex-ministre fragilise l’Albanie face à l’UE

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Trafic de drogue: la mise en cause d’un ex-ministre fragilise l’Albanie face à l’UE

La mise en cause d’un ancien ministre de l’Intérieur dans un trafic international de cannabis fragilise la position de l’Albanie dans son rapprochement avec l’Union européenne.

Officiellement candidat depuis 2014, Tirana entend convaincre l’UE d’ouvrir les négociations d’adhésion au début de l’an prochain.

Aussi le scandale Tahiri tombe mal. Saimir Tahiri, 38 ans, ministre de l’Intérieur jusqu’au printemps 2017, est un proche du Premier ministre socialiste Edi Rama, à qui l’opposition renvoie en boomerang son accusation de collusion avec les trafiquants.

Dans ce pays où le débat politique est d’une rare violence, l’ambassadeur américain Donald Lu donnerait presque raison aux deux camps: “L’Albanie a un problème de liens entre les groupes criminels et les hommes politiques. Ce n’est pas le problème d’un seul parti”.

Ce franc-parler contraste avec le silence prudent des chancelleries européennes, lesquelles apportent un soutien jamais démenti à Edi Rama depuis son arrivée aux affaires en 2013.

Le 16 novembre, dans une lettre aux responsables européens, celui-ci a défendu son bilan, expliquant que “l’Albanie n’était plus la capitale européenne du cannabis comme certains médias se plaisent à le dire”.

Mais pour le leader de l’opposition de droite, Lulzim Basha, “nous avons un gouvernement de narcotrafiquants qui doit tomber et laisser la place à un gouvernement anti-mafia”. Le PS aurait fait de l’Albanie “la Colombie de l’Europe”, selon la droite qui multiplie les violentes attaques.

– Des cousins encombrants –

Quand celle-ci était au pouvoir, elle ne s’est jamais attaquée aux trafiquants de Lazarat (sud), “le paradis du cannabis”, auquel une spectaculaire opération de police avait mis fin en 2014, riposte un Edi Rama qui apparaît toutefois fragilisé, six mois après son triomphe aux législatives.

L’affaire a explosé mi-octobre, après l’arrestation en Italie d’un trafiquant albanais. La presse révèle alors l’existence d’écoutes téléphoniques compromettantes pour Saimir Tahiri.

“Deux criminels, mes cousins au 10ème degré, arrêtés pour trafic de drogue, ont mentionné mon nom. Les criminels ont l’habitude de fanfaronner entre eux en citant les noms de tel ou tel ministre dans leurs sales affaires”, s’est défendu l’intéressé à la télévision.

Sa voiture aurait été utilisée par ces trafiquants? C’est parce qu’il le leur a “vendue (…) sans vérifier leur activité”, la “seule erreur” qu’il concède.

Elle-même considérée comme profondément corrompue, la justice n’a pas été convaincue: le parquet général a demandé de lever l’immunité parlementaire de Saimir Tahiri pour l’arrêter. La majorité parlementaire socialiste a rejeté cette requête.

Edi Rama se défend de protéger son allié politique, mis en congé du PS: “Si les accusations contre Tahiri sont prouvées, j’applaudirai la justice.”

“Il n’y a aucune preuve. Certains segments du Parquet se laissent utiliser politiquement pour servir des intérêts politiques bien définis”, accuse le nouveau ministre de l’Intérieur, Fatmir Xhafaj.

“La majorité veut à tout prix faire échouer l’enquête, dissimuler les preuves et intimider les témoins”, s’indigne Lulzim Basha.

– Production en baisse? –

Le pays est depuis des années le principal exportateur de cannabis vers l’UE, notamment l’Italie, selon les rapports successifs d’Europol. Ce commerce représenterait un tiers de la valeur du Produit intérieur brut (PIB) de l’Albanie, voire plus, selon des sources diplomatiques occidentales. Dans son dernier bilan d’étape, Bruxelles estime que les autorités “ont échoué dans l’identification des groupes criminels”.

Les petits agriculteurs sont régulièrement poursuivis, mais jamais de “gros bonnets”. Seule une grosse vingtaine de policiers, dont trois ont été l’objet d’un mandat d’arrêt le 22 novembre, sont inculpés pour corruption en lien avec ce trafic. Aucun responsable de premier plan n’avait été mis en cause, jusqu’à Saimir Tahiri.

Le gouvernement vient de présenter un plan “contre le crime organisé et en particulier, contre les liens entre le crime et de hauts fonctionnaires ou dirigeants de l’Etat.”

“Je suis tout à fait conscient que quand vous mentionnez l’Albanie, certains pensent crime et drogue”, a écrit Edi Rama dans une lettre ouverte au Financial Times. “Désignée pendant des années comme la capitale européenne du cannabis, l’Albanie en a eu assez et a riposté”, a-t-il affirmé.

Il a expliqué que cette année, 88 plantations avaient été détruites contre 2.086 en 2016, signe selon lui d’un effondrement de la production. Le cannabis albanais est “un problème européen”, a plaidé Edi Rama, qui en appelle à l’aide de la communauté internationale

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