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Effets spéciaux au cinéma: latex et silicone n’ont pas dit leur dernier mot

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Effets spéciaux au cinéma: latex et silicone n’ont pas dit leur dernier mot
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Parfois éclipsés par les trucages numériques, latex et silicone continuent de faire des merveilles pour les effets spéciaux de cinéma, à l’image des criquets carnivores plus vrais que nature créés pour l’ambitieux film fantastique français “La Nuée”.

C’est des mains expertes de Pierre-Olivier Persin, l’un des orfèvres du trucage non-numérique en France, que sont sortis les horrifiques insectes qui peuplent ce film de Just Philippot, en salles mercredi.

Une famille d’agriculteurs (interprétés notamment par Suliane Brahim et Sofian Khammes) qui élève des criquets va y voir son destin basculer quand ces insectes se mettent à se nourrir de sang, animal comme humain.

Le film, à la lisière du thriller, du drame rural et de l’horreur, a été remarqué pour ses qualités visuelles, avec ses scènes hitchcockiennes où des nuées de criquets tournoient dans la campagne française.

“Il y a longtemps que je ne fais plus de cauchemars !”, plaisante ce maquilleur effets spéciaux de 47 ans dans son atelier de Montreuil (Seine-Saint-Denis), musée des horreurs où se côtoient une tête de cadavre ultra-réaliste, un bras sanguinolent détaché de son corps et des montres galactiques.

– Apprenti sorcier –

Pour “La Nuée”, cet artisan à qui l’on doit des “marcheurs blancs” à la face striée de Games of Thrones, des zombies sanguinolents pour “World War Z” mais aussi le visage vieilli d’Omar Sy dans “Le Prince Oublié”, s’est pour la première fois penché sur l’anatomie des insectes. Des semaines de travail pour reproduire à différentes échelles, de la taille d’un doigt à celle d’un bras, les criquets qui s’abattent sur les personnages de “La Nuée”.

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Ce métier ne s’apprend pas dans les livres, mais en apprenti sorcier, en peaufinant petit à peu ses mélanges et ses outils pour reproduire au mieux les textures naturelles.

“Il y en a qui aimaient jouer au foot, moi, ado, j’avais du plâtre et du latex à Noël !”, s’amuse Pierre-Olivier Persin, dans sa “pièce qui pue”, celle où il met au point les fausses peaux et prothèses et qui embaume le plastique frais.

Avant le cinéma, cet artisan au visage juvénile aussi doux que ses créations peuvent être “gore”, a débuté en fabriquant des faux hommes préhistoriques pour des musées, et en a gardé un souci du réalisme.

Pour “La fille de Brest”, film sur le scandale pharmaceutique du Médiator, il a dû reproduire l’intérieur d’un coeur pour une scène de chirurgie, et les conseils d’une “très bonne amie médecin légiste” lui furent précieux. Pour “La Nuée”, il a observé les criquets et s’est renseigné auprès d’un dresseur sur leur comportement naturel.

– Boulette –

A ses insectes plus vrais que nature, Pierre-Olivier Persin consacrera jusqu’à trois semaines de travail –davantage pour les “criquets stars”, dédiés aux gros plans que pour les “criquets d’arrière plan”, moins détaillés.

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Car si la technologie numérique a été indispensable à de nombreux plans de “La Nuée”, le trucage “à l’ancienne” a la part belle dans le film. “Le criquet est là, en direct sur le plateau, on ne tourne pas sur un fond vert et ça change tout pour l’interaction avec les comédiens”, ajoute l’artisan.

“Effets spéciaux traditionnels et numériques doivent dialoguer” dans les films, la priorité restant aux premiers, qui coûtent “moins cher, sont plus efficaces et obligent à réfléchir” à des solutions techniques, plaide Thierry Lounas, co-producteur de “La Nuée”.

Pour lui, qui participe avec sa société Capricci au renouveau des films de genre en France, Pierre-Olivier Persin est une “perle rare”, un “petit artisan hollywoodien” au savoir-faire précieux.

Un artisan qui n’est pas à l’abri d’une boulette, comme lorsqu’il a préparé avec soin un faux nez pour l’un des acteurs avec lesquels il a le plus travaillé, Matthieu Kassovitz. “L’oeuvre” était destinée au tournage de “Sparring”, un film de boxe… “Au premier coup de poing au visage”, le précieux nez est tombé et s’est écrasé par terre, “comme une vieille méduse !”, sourit M. Persin.